"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mercredi 13 juin 2012

Ce à quoi nous avons échappé! Слава Богу! Δόξα στο Θεό! Slavă Lui Dumnezeu!


Paul VI et les orthodoxes


La commission secrète du printemps 1970.
 La petite commission qui a étudié cette possibilité de concélébration eucharistique [entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier] s’est réunie au centre orthodoxe de Chambésy (Genève) les 27-29 avril 1970, et les 14-15 mai, puis à Zurich du 5 au 7 juin. La dernière réunion a eu lieu à Zurich, car le travail, à la demande du pape et du patriarche, se faisait dans le plus grand secret, et il y avait eu des « fuites ».
La commission était composée : du côté orthodoxe par l’archimandrite Damaskinos Papandreou et J. Zizioulas, du côté catholique par le père Pierre Duprey et le révérend père Lanne. Elle émet un avis favorable à la concélébration et donne des indications pour sa réalisation. Voici les dernières lignes du rapport :
Il semble prématuré au stade actuel de préciser les formes de réalisation de l’acte envisagé. Il paraît suffisant de dire pour le moment qu’il semblerait désirable qu’il y ait une double concélébration. Si le Saint-Père l’acceptait, la première concélébration, pour des raisons psychologiques et pour mettre en valeur l’initiative qui lui appartient et que le patriarche a soulignée à plusieurs reprises, pourrait avoir lieu dans une église orthodoxe et selon la liturgie orthodoxe (à Istanbul ou en Crète, par exemple). La seconde pourrait avoir lieu de préférence dans les jours qui suivent la première, à Rome, selon la liturgie romaine (Rapport commun de la commission. Archives privées).
Une partie de ce rapport commun, avec des modifications et l’absence de toute référence pratique, a d’ailleurs été publiée dans Proche-Orient chrétien (1972, p. 3-17) par le père Duprey, et dans Oriente Cristiano (1974, p. 7-25) par le métropolite Damaskinos. C’était une façon de tester les réactions de part et d’autre. (…)
La commission émet donc un avis favorable. Pourquoi n’y a-t-il pas eu de passage à l’acte ? Celui-ci ou simplement la divulgation de l’éventualité aurait eu des conséquences catastrophiques non seulement pour le patriarche Athénagoras, mais pour l’Eglise orthodoxe. On craignait que le patriarche fût immédiatement désavoué, voire déposé. Au cardinal Willebrands, en visite officielle auprès de l’Eglise de Grèce, en mai 1971, l’archevêque d’Athènes disait lors du discours de réception officielle :
Comme le sait votre Eminence, dans l’Eglise, les actes des dirigeants eux-mêmes ne sont bénis et ne portent des fruits que lorsqu’ils sont la répercussion des sentiments et de la foi du corps tout entier de l’Eglise et lorsqu’ils correspondent aux aspirations, conformes à sa foi, du peuple fidèle de l’Eglise. Au contraire, les efforts entrepris hâtivement […] ne peuvent provoquer que des dommages et plus tard des troubles » (Hiéronymos d’Athèmes, « Allocution pour la réception du cardinal Willebrands, 18 mai 1971 », DC 1971, p. 709-710).
Le message était donc clair. Du côté de Paul VI, il y avait la ferme volonté de ne pas diviser l’orthodoxie. De plus, le patriarcat de Moscou avait été averti discrètement du projet et son intervention a contribué à empêcher le passage à l’acte. Un témoin de l’époque, très averti de ces question estime que, malheureusement, c’était raison. D’autant plus que l’initiative venait de Paul VI. On a jugé que ce geste généreux aurait créé le plus grand désordre dans l’ensemble de l’Eglise orthodoxe. Et l’Eglise catholique en aurait aussi porté les conséquences dans ses relations avec l’ensemble de l’orthodoxie. Le message de l’archevêque d’Athènes ci-dessus était suffisamment clair. La levée des anathèmes de, le 7 décembre 1965, avait déjà rencontré des obstacles. La concélébration du pape et du patriarche aurait compromis les relations péniblement renouées avec les autres Eglise orthodoxes.
Paul VI voulait conserver la ligne d’un rapprochement organique avec l’ensemble de l’orthodoxie. Réaliser le projet, c’était prendre le risque de perdre la confiance des Russes et de bloquer tout rapprochement avec Athènes et avec Bucarest. L’œcuménisme ne peut accepter une unité qui se réaliserait au prix de nouvelles divisions, comme « effets collatéraux ».

Frère Patrice Mahieu, o.s.b. « PAUL VI ET LES ORTHODOXES », collection « Orthodoxie », CERF 2012, pp. 197-200



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