"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 8 juillet 2010

Père Georges Metallinos: Les Collyvades, Pères de la Sainte Montagne




L'apparition au dix-huitième siècle des collyvades sur la Sainte Montagne, et en Grèce en général, constitue un retour dynamique aux racines de la tradition orthodoxe, à la "philocalie" une expérience qui est au cœur de la spiritualité de l'Église orthodoxe.

Leur "mouvement", comme on l'appelait, était régénérateur et traditionnel, progressiste et pourtant patristique, en d'autres termes, véritablement orthodoxe. En utilisant les méthodes érudites de l'époque (en composants des écrits), ils ont révélé tout d'abord la continuité de l'hésychasme sur la Sainte Montagne de l'Athos, et en même temps, ils sont restés fidèles, non seulement à la formulation théorique de la théologie hésychaste-palamite, mais aussi à ses applications pratiques, c'est à dire à l'ensemble du spectre de l'expérience ascétique.

Grâce à la diffusion de leurs œuvres et par leurs luttes en défense de la tradition, ils ont formé un contrepoids contre l'Europe des "Lumières", et sont devenus illuminateurs d'abord de leur nation et puis de l'Orthodoxie en général. C'est pourquoi ils ont été aimés par les traditionalistes, mais haïs et combattus (ou calomniés) par ceux à qui ont on a inculqué l'esprit de la scolastique franque ou des Lumières anglo-françaises et donc coupés de la racine philocalique.

Le rationalisme hypertrophique (métaphysique) des Occidentalisants, menace permanente pour la voie de la théologie patristique, s'est ainsi avéré être étranger à la voie de l'expérience et de la sainteté spirituelle de la théologie que les Pères des collyvades incarnèrent et prêchèrent. Si notre reconnexion avec la véritable tradition théologique des Pères a été atteinte de nos jours, cela est dû aux travaux précurseurs des collyvades.

Un contingent de moines du Mont Athos dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, vivant dans la tradition de la "prière noétique" ou "prière du cœur", et provoqué par un événement apparemment insignifiant, qui, cependant, avait de profondes racines théologiques et d'énormes extensions, éclairera bien sûr le cours de l'Église et révèlera la continuité ou la discontinuité de la plénitude de l'Orthodoxie.

Les moines de la skite de Sainte-Anne sur la Sainte Montagne construisaient une église plus grande et, comme ils voulaient être capables de travailler le samedi, afin de la finir, ils décidèrent de déplacer les services commémoratifs du samedi au dimanche après la Divine Liturgie. Cette décision, qui était contraire à la pratique de l'Église et à la théologie (Le dimanche, étant le jour de la résurrection, est un jour de joie), scandalisa le diacre Néophyte du Péloponnèse de l'ermitage à proximité de Kafsokalyvia, qui fut le premier à s'élever par une campagne théologique contre la décision des moines de Sainte-Anne.

Un autre événement a également servi à intensifier la flamme allumée alors. En 1777, un livre prônant la nécessité de "la Sainte Communion fréquente" a été publié parmi le cercle des hésychastes du Mont Athos qui, en raison de leur implication dans l'affaire "concernant les services commémoratifs" ont été par leurs adversaires collectivement appelés collyvades (de Collyva, la bouillie de blé utilisée pour les services commémoratifs). Le livre fut condamné par le Patriarcat œcuménique en 1785, car il était censé avoir créé des scandales et des dissensions.

Mis à part le fait d'exposer l'attitude en rupture avec la tradition des moines de Sainte-Anne, cette action a révélé comment les critères orthodoxes avaient été obscurcis, affirmant ainsi, pour la Grèce, ce que le Père de bienheureuse mémoire Georges Florovsky appela la "pseudomorphose." De plus la décision ultérieure du patriarcat, par laquelle la condamnation fut levée, sert à montrer l'instabilité de ces questions.

Les hommes qui préconisaient l'accomplissement canonique de services commémoratifs le samedi, préconisaient également la Sainte Communion fréquente (quand, bien sûr, les présupposés orthodoxes d'une vie spirituelle correcte existent), donc rangeant la pratique de l'Église naissante contre les actions sans fondements de leurs adversaires. Ces derniers, qui étaient complètement étrangers à la tradition des saints Pères, accusèrent les collyvades d'être innovateurs, exactement de la même manière que les scolastiques du XIVe siècle (Nicéphore Grégoras, John Kyparissiotes, etc) avaient accusé les hésychastes de la Sainte Montagne d'être "modernistes".

Mais alors, le cas des collyvades n'est qu'une répétition de l'affaire des hésychastes du XIVe siècle; car les deux groupes, chacun à sa manière, se sont soulevés contre l'esprit de rupture de l'Ouest et contre l'occidentalisation des "unionistes" et des occidentalistes d'Orient. Les collyvades insistaient sur la question du culte, car ils diagnostiquèrent que là, c'est-à-dire dans le domaine de la spiritualité qui préserve l'unité du peuple orthodoxe subjugué, le problème de rupture était perceptible. Ils ont encouragé la participation aux sacrements/mystères de l'Eglise accompagnés parallèlement par une lutte spirituelle. Ils luttèrent pour une observance correcte du typicon de l'Église qui permettrait de maintenir l'équilibre spirituel, et pour l'étude des œuvres patristiques qui cultiverait une patristique, c'est-à-dire l'esprit de l'Église. C'est pourquoi l'honneur est aux collyvades, dans ce qu'ils préservèrent la continuité apostolique des Pères de l'Église: la prière noétique et la pratique hésychaste, l'ascétisme et l'expérience, ces éléments durables et inaltérables de l'identité orthodoxe.

Ce contingent d'hésychastes du Mont Athos (Les collyvades) avaient leurs chefs, dont trois sont parmi les théologiens traités dans la présente étude. Ce sont les suivants:

1) Néophytos Kafsokalyvitis (1713-1784), depuis 1749 recteur de l'école Athonias sur la Sainte Montagne, est l'homme qui a initié la cause, mais après son expulsion de la Sainte Montagne, il a cessé sa participation active au mouvement des "collyvades" pour des raisons inconnues. Il s'occupait principalement de l'éducation, siégeant en tant que recteur de Chios vers 1760, à Adrianoupolis en 1763, et dans ce qui est aujourd'hui la Roumanie, à Bucarest en 1767, Bravsko en 1770 et de 1773 jusques à sa mort à Bucarest. Il laissa derrière lui un certain nombre de travaux importants, parmi lesquels certains concernent sur le droit canon.

2) Saint Macaire (1731-1805), descendant de la célèbre famille byzantine des Notaras, est né à Corinthe et il devint plus tard métropolite du diocèse de Corinthe (1765-1769). Il était "l'animateur" du mouvement et la personne qui a non seulement encouragé Saint Nicodème à écrire, mais lui a aussi fourni la matière de ses œuvres. Il est décédé le 16 avril 1805 sur l'île de Chios, où il vivait à l'époque, et le peuple l'a aussitôt honoré comme un saint.

3) Saint Nicodème de la Sainte Montagne (1749-1809), a été officiellement déclaré saint en 1955, il a été le théologien du contingent des collyvades. Grand ascète hésychaste et auteur très accompli de la trempe des Pères, il laisse derrière lui une multitude d'écrits dans laquelle toute la tradition patristique est refondue. Celui qui étudie les œuvres de saint Nicodème peut sans réserve dire qu'il est passé par la théologie patristique dans son intégralité. Son Manuel de conseils, pour les temps modernes, est une œuvre représentative de la spiritualité orthodoxe. La publication de la Philocalie des Pères Neptiques en plusieurs volumes (en collaboration avec saint Macaire, mais essentiellement œuvre de Nicodème) a contribué à la renaissance spirituelle dans les pays orthodoxes. Son œuvre intitulée Pedalion [gouvernail] constitue la compilation la plus autorisée des saints canons de notre Église et leur explication, en liaison avec la spiritualité de l'Église.

4) Athanase Parios (1722-1813) était le plus militant des collyvades, et aussi la plus "martyrique". De 1776 à 1781, il est resté défroqué comme "hérétique" en raison de ses prises de position vigoureuses sur les questions de la tradition. Il a combattu avec passion l'Europe des Lumières, le voltairianisme, et l'athéisme, et il a été accusé d'être un obscurantiste par son contemporains occidentalisants. Cependant, il ne combattait pas l'éducation dont il se sert, ni même les sciences exactes elles-mêmes, mais plutôt les lettres "impies" et la vanité de la sagesse de ce monde (cf. Jacques. 3:15). Auteur prolifique, il laissa derrière lui de nombreux écrits patristiques plein de sagesse et de spiritualité.

Les collyvades pnt exercé une influence considérable à leur époque, mais aussi sur les générations qui ont suivi. Leur influence a été d'abord plus large hors de la Sainte Montagne que sur elle. Aujourd'hui, cependant, la Sainte Montagne reconnaît leur contribution à la renaissance de la spiritualité orthodoxe et suit leur tradition. En dépit du fait que les anti-collyvades, étaient de loin plus nombreux que les collyvades et engagés dans une persécution systématique contre eux, non seulement ils ne parvinrent pas à contrecarrer les efforts de ces derniers, mais ils ont en fait contribué à la diffusion de leur esprit en Grèce et dans les autres pays orthodoxes (les régions de Transdanubie, de Russie, etc.) Aux collyvades est due la renaissance de l'hésychasme au dix-neuvième siècle. Même aujourd'hui, les Pères descollyvades continuent à être des guides spirituels pour les orthodoxes, et le pont principal de la reconnexion avec la tradition patristique. La redécouverte de l'hésychasme du XIVe siècle, et surtout de son champion saint Grégoire Palamas († 1357), a été accomplie grâce aux graines que les collyvades du XVIIIe siècle ont semées.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Père Georges Metallinos
Je reconnais un seul baptême
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