"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 19 novembre 2017

FEUILLETS LITURGIQUES DE LA CATHÉDRALE DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX

6/19 novembre
24ème dimanche après la Pentecôte

Saint Paul le Confesseur, archevêque de Constantinople (350) ; saint Luc de Taormine, moine (IXème) ; saint Barlaam de Khoutyne (1192) ; saint Luc, économe des Grottes de Kiev (XIIIème s.) ; saint Germain, archevêque de Kazan (1567) ; saint Barlaam de Keret (XVIème s.) saints nouveaux martyrs de Russie : Nicétas, évêque d’Orekhovo-Zouïevsk, Anatole (Berjitsky), Arsène (Troïtzky), Nicolas (Dvoritsky), Nicolas (Protasov), Constantin (Lioubomoudrov), prêtres, Varlaam (Nikolsky), Gabriel (Vladimirov) et Gabriel (Moura), moines, Nina (Chouvalov) et Séraphime (Gorchkov), moniales (1937), Basile (Krylov), prêtre (1938).

Lectures : Éph. II, 14–22. Lc VIII, 41–56; saint : Hébr. VII, 26 – VIII, 2. Lc. XII, 8–12.

SAINT PAUL LE CONFESSEUR



S
aint Paul naquit à Thessalonique à l’aube du IVe siècle. Lors du premier Concile de Nicée, il était encore tout adolescent, mais il fut peu de temps après rangé parmi les clercs de l’Église de Constantinople. Il se signalait par la pureté de sa vie, sa douceur et son enseignement irréprochable de la foi orthodoxe. C’est pourquoi il fut ordonné diacre, puis prêtre, par l’archevêque Alexandre, alors qu’il était encore jeune. Aimé de tous les fidèles de la capitale, il fut consacré archevêque, en 340, à la mort d’Alexandre qui l’avait désigné comme son successeur. Son élection déchaîna cependant la haine des ariens qui le calomnièrent auprès de l’empereur Constance, qui se trouvait alors à Antioche. Lorsqu’il apprit la consécration du jeune orthodoxe, il revint furieux dans la capitale et réunit un concile d’évêques ariens, qui déposa Paul et le remplaça par l’évêque de Nicomédie, Eusèbe : un des chefs de file de l’hérésie. 

L’arianisme semblait alors pouvoir triompher définitivement puisque l’empereur et l’archevêque de Constantinople en étaient d’ardents partisans. Dès son installation, Eusèbe commença à traquer avec acharnement les défenseurs du concile de Nicée. Mais Dieu n’abandonna pas son Église : Eusèbe mourut après une année, et les orthodoxes de la capitale rappelèrent Paul, qui s’était réfugié à Rome, auprès du pape Jules, et où il avait retrouvé saint Athanase d’Alexandrie, lui aussi exilé pour le Nom du Christ. Au moment de reprendre son siège, le saint confesseur se trouva mêlé à de nouveaux troubles populaires, car les ariens avaient élu et ordonné un successeur à Eusèbe : l’hérétique Macédonius, qui joignait le blasphème contre la divinité du Saint-Esprit à l’erreur d’Arius quant à la divinité du Verbe. 

Informé de la situation, l’empereur Constance donna, d’Antioche, l’ordre à Hermogène, le chef militaire de la Thrace, d’entrer avec ses troupes dans la capitale et d’en chasser Paul par la force. Le peuple s’ameuta, des combats sanglants éclatèrent partout dans les rues, faisant de nombreuses victimes, et Hermogène lui-même fut victime de la vindicte populaire. Les émeutiers le tuèrent, traînèrent son corps à travers la ville et brûlèrent sa demeure. Paul put donc être rétabli sur son siège, mais pour peu de temps, car l’empereur furieux arriva en force à Byzance, en chassa saint Paul, qui alla chercher refuge à Rome, et il déchaîna aussi sa colère sur Macédonius, l’accusant d’avoir été la cause de tous ces troubles. En Occident, Paul obtint le soutien de l’empereur Constant qui résidait à Trèves et, grâce aux lettres de réprimandes que le pape adressa aux évêques orientaux pour leur attitude envers sa personne et à l’égard de saint Athanase, il put, au bout de quelque temps, regagner son siège au milieu de l’allégresse populaire. 

Mais Constance, ne pouvant trouver de repos dans sa lutte contre les orthodoxes, chargea bientôt le préfet Philippe d’expulser Paul et de replacer Macédonius sur le siège de la reine des villes, sans toutefois réitérer les troubles qu’avait occasionné l’intervention d’Hermogène. C’est pourquoi Philippe usa d’un stratagème pour attirer saint Paul vers l’établissement de bains et, sous prétexte de lui rendre les honneurs, il le fit enlever en secret et exiler à Thessalonique, d’où le malheureux évêque se rendit de nouveau à Rome. 

En 347, à l’issue du concile de Sardique, Athanase et Paul purent reprendre possession de leurs sièges. Pendant environ trois ans, l’Église de Constantinople connut, autour de son pasteur légitime, la paix et la sécurité de l’Orthodoxie. Mais ce répit fut de courte durée, car, en 350, le comte Magnence se souleva contre l’empereur orthodoxe d’Occident, Constant, et fut proclamé empereur par ses troupes. Ses prétentions à l’empire universel obligèrent Constance à engager une guerre contre lui et, après de dures campagnes, l’empereur hérétique s’empara de Lyon et reconstitua à son profit l’unité de l’Empire. 

L’équilibre qu’avait procuré jusque-là la présence d’un empereur orthodoxe en Occident était désormais rompu et Constance put déchaîner librement ses persécutions contre les défenseurs de la divinité du Fils de Dieu. Il fit arrêter saint Paul et le fit conduire, chargé de lourdes chaînes, à Singar d’abord, puis à Émèse, et enfin à Cucuse dans la lointaine Arménie. C’est là qu’un jour où le saint évêque célébrait la Divine Liturgie, les ariens se ruèrent dans l’église et l’étranglèrent au moyen de son omophorion  (entre 351 et 357).                                (Tiré du Synaxaire du hiéromoine Macaire de Simonos Petras)

Tropaire du dimanche, 7ème ton
Pазрyши́лъ ecи́ Кресто́мъ Tвои́мъ сме́рть, отве́рзлъ ecи́ разбо́йнику pа́й, мироно́сицамъ пла́чь преложи́лъ ecи́ и aпо́столомъ проповѣ́дати повелѣ́лъ ecи́, я́ко воскре́слъ ecи́, Xpистé Бо́же, да́руяй мípoви вéлiю ми́лость.
Tu as détruit la mort par Ta Croix, Tu as ouvert le paradis au larron,  Tu as transformé le pleur des myrophores, et ordonné à Tes Apôtres de prêcher que Tu es ressuscité,  Christ Dieu, accordant au monde la grande miséricorde.

Tropaire de saint Paul le Confesseur, ton 3
Боже́ственныя вѣ́ры исповѣ́даніемъ друга́го Па́вла тя́ Це́рковь, ревни́теля во свяще́нницѣхъ, показа́, свозопіе́тъ ти́ и Авель ко Го́споду, и Заха́ріина кро́вь пра́ведная. Отче преподо́бне, Христа́ Бо́га моли́ дарова́тися на́мъ ве́ліей ми́лости.
La confession de la divine foi a fait de toi pour l'Eglise un autre Paul par le zèle de pontife que tu manifestas; avec celui d'Abel et de Zacharie  vers le Seigneur crie justice ton propre sang. Père vénérable, prie le Christ notre Dieu de nous accorder la grande miséricorde.

Kondakion de saint Paul le Confesseur, ton 2
Облиста́вый на земли́, я́ко звѣзда́ небосвѣ́тлая, Каѳоли́ческую просвѣща́еши Це́рковь ны́нѣ, о не́йже и страда́льчествовалъ еси́, ду́шу твою́, Па́вле, предложи́въ, и, я́коже Заха́ріина и Авелева, я́сно вопіе́тъ твоя́ кро́вь ко Го́споду.
Ayant fait briller sur terre comme un astre la lumière des cieux, tu éclaires à présent l'Église universelle; tu luttas pour elle, bienheureux Paul, donnant ta vie, et comme celui d'Abel et de Zacharie ton sang crie de la terre, appelant le Seigneur.
Kondakion du dimanche, 7ème ton
Не ктому́ держа́ва смéртная воз-мо́жетъ держа́ти человѣ́ки; Христо́съ бо сни́де, сокруша́я и разоря́я си́лы ея́. Cвязу́емъ быва́етъ а́дъ, пpоpо́цы согла́сно ра́дуются: предста́, глаго́-люще, Спа́съ су́щымъ въ вѣ́рѣ, изыди́те, вѣ́рніи, въ воскресéніе.
Désormais l’empire de la mort ne peut retenir les mortels, car le Christ y est descendu pour briser et défaire sa puissance. L’enfer est enchaîné, les prophètes jubilent, disant d’une seule voix : « Il est venu, le Sauveur, pour ceux qui ont la foi ; fidèles, allez à la rencontre de la Résurrection ! »

HOMÉLIE DE SAINT NICOLAS VÉLIMIROVITCH
SUR L’ÉVANGILE  DU JOUR[1]
Le Seigneur est comme une colonne de feu dans l’histoire de l’univers, dont les âmes mortes reçoivent la lumière, la chaleur, le mouvement et l’attirance. Il est aussi cet Arbre de vie qui, à peine effleuré, fait revivre les corps défunts, les redresse, les fait marcher et les fait parler. Il est aussi le baume pur et parfumé porteur de la santé ; dès qu’ils l’effleurent, les aveugles ouvrent les yeux, les sourds entendent de nouveau, les muets reparlent, les insensés retrouvent la raison, les lépreux sont purifiés et les malades, même gravement, sont guéris. L’évangile de ce jour évoque un cas supplémentaire où, par un simple contact avec le Christ, des malades sont guéris et des morts sont ressuscités. Et voici qu’arriva un homme du nom de Jaïre, qui était chef de la synagogue. Tombant aux pieds de Jésus, il Le priait de venir chez lui, parce qu’il avait une fille unique, âgée d’environ douze ans, qui se mourait (Lc 8, 41-42). À quel moment cet épisode se situe-t-il ? À l’époque où le Seigneur était revenu en barque de la région de Gadara de l’autre côté du lac, où Il avait auparavant libéré deux possédés des mauvais esprits, puis apaisé une tempête sur le lac. Après avoir réalisé ces deux miracles très célèbres, Il était maintenant appelé à en accomplir un troisième : ressusciter un mort, et tout cela dans un temps très court, comme pressé de réaliser le plus possible de bonnes actions pour les hommes pendant Sa vie terrestre, nous donnant ainsi un exemple à suivre pour faire le bien, pour agir tant que nous avons de la lumière. Bien que les trois miracles cités soient très divers, ils possèdent une caractéristique commune : ils montrent tous la puissance souveraine du Christ Sauveur : sa souveraineté sur la nature, sa souveraineté sur les démons et sa souveraineté sur la mort, c’est-à-dire sur les âmes humaines. Il est difficile de dire laquelle de ces trois actions est la plus redoutable, la plus glorieuse et la plus prodigieuse. Qu’est-ce qui est le plus difficile : apaiser les éléments déchaînés de l’eau et des airs, guérir des déments inguérissables, ou ressusciter un mort ? Chacun de ces trois actes est tout aussi difficile pour un homme mortel et pécheur, tandis que les trois sont tout aussi faciles pour le Christ Seigneur. Quand on se plonge dans chacun de ces trois miracles en particulier, on ressent la grandeur et le souffle de cette toute-puissance qui a, au début, créé le monde : Dieu dit : « Que la lumière soit », et la lumière fut (Gn 1, 3).  Cet homme du nom de Jaïre est qualifié de chef par l’évangéliste Matthieu (Mt 9, 18-26). De leur côté, les évangélistes Marc et Luc précisent que Jaïre était chef de la synagogue où se traitaient les affaires religieuses et populaires. Sa fille unique était sur le point de mourir. Quelle horreur pour lui qui, comme tout le peuple juif, avait une foi faible et indécise dans la vie après la mort. Pour cet homme de pouvoir, c’était un choc double : d’abord le chagrin paternel, puis un sentiment de honte et d’humiliation devant le peuple, car une perte aussi terrible était considérée comme une punition divine. Dans ce cas, Jaïre se jette aux pieds de Jésus et lui dit : Ma fille est morte à l’instant ; mais viens lui imposer ta main et elle vivra (Mt 9, 18). Pourquoi l’évangéliste Luc écrit-il que la fille de Jaïre se mourait, tandis que l’évangéliste Matthieu dit qu’elle est déjà morte ? Luc décrit les choses comme elles se sont passées, et Matthieu rapporte les mots du père. N’est-ce pas l’habitude des gens d’exagérer les choses ? Une telle exagération vient d’abord du fait qu’un malheur, qui survient de façon inattendue, semble beaucoup plus grand qu’il n’est ; par ailleurs, celui qui réclame de l’aide représente habituellement le malheur comme plus important qu’il n’est afin d’obtenir de l’aide le plus tôt possible. N’entend-on pas souvent crier, lors de l’incendie d’une maison : « Au secours, ma maison a brûlé ! » En fait, la maison n’a pas brûlé, elle brûle. Le fait que la fille de Jaïre n’était pas morte au moment où celui-ci s’est adressé au Seigneur sera confirmé plus tard par les serviteurs de Jaïre. Mais la foi que Jaïre avait dans le Christ n’était pas aussi forte que celle du centurion romain à Capharnaüm. Tandis que celui-ci empêchait le Christ d’entrer dans sa maison, estimant qu’il était indigne d’un tel honneur, et ne Lui demandait que de dire un seul mot : dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri (Mt 8, 8), Jaïre invite le Seigneur à entrer chez lui, et même à poser Sa main sur sa fille morte. Une telle foi possède quand même quelque chose de matériel en elle. Viens lui imposer ta main ! Jaïre demande au Christ un geste palpable pour guérir. Comme si la parole du Christ était moins capable de thaumaturgie que la main du Christ ! Comme si la voix qui avait apaisé la tempête et les vents et expulsé les démons des hommes possédés puis, plus tard, avait ramené à la vie Lazare qui était mort depuis quatre jours et inhumé, n’était pas capable de ressusciter la fille de Jaïre ! Mais le Seigneur est très miséricordieux ; Il ne repousse pas le père plongé dans le chagrin parce que sa foi n’est pas parfaite ; Il vient tout de suite à son secours.



[1] Extrait des Homélies de saint Nicolas Vélimirovitch sur les Evangiles des dimanches et jours de fête, Coll. Grands Spirituels orthodoxes du XXème siècle, L’Âge d’Homme 2016.

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